Tout a réellement commencé quand, à l’école, j’ai lu un livre qui racontait l’histoire de la visite de l’île par Christophe Colomb, de sa rencontre avec les habitants qui étaient des Indiens. Dès que j’ai commencé à me déguiser en Indien pour le Carnaval, dès que je me suis lancé dans la rue, vu que j’attirais énormément les étrangers et les photographes, je me suis rendu compte à quel point mon personnage était populaire. Les étrangers avaient toujours tendance à m’entourer, à me prendre en photo et à m’offrir de l’argent.

Ce que j’aime vraiment chez les Indiens, c’est leur caractère sévère. Ils n’ont pas besoin de parler. Ils n’ont qu’à rester là, sans proférer un seul mot. Ils ne portent pas de chaussures. Ils ont un tempérament calme. Ils n’ont pas besoin de parler pour porter les gens à les respecter. Si quelque chose arrive, s’ils s’aperçoivent d’un danger imminent, ils s’emparent de leurs flèches et… Ppppppring ! Sans un mot ! Ce sont des mecs très sereins, ils ont l’air très imposants.
J’ai commencé à représenter ce personnage en 1985, alors que j’étais encore à l’école, très jeune. Au tout commencement, nous avions un groupe de 20 Indiens. C’était très sophistiqué. Quand nous sortions, il y avait les Indiens mâles et il y avait les femmes qui portaient juste un mouchoir autour de la taille. Je mettais toujours un esclave marron parmi eux. De plus, nous avions toujours des chevaux dans le groupe. Mais tout est entretemps devenu si compliqué et si coûteux que là maintenant, je le fais tout seul.
Je fabrique moi-même toutes les parties du costume. Je fais la petite jupe d’Indien. Je dessine le costume. A gauche, je mets une machette ; à droite, je place une grande flèche peinte en rouge et en argent. J’exécute peu de mouvements particuliers : Je marche à petits pas, puis je fais un petit saut à gauche et un petit saut à droite. J’ai appris tout ça dans des cours sur la danse indienne que j’ai suivis au Lycée Pinchinat. Maintenant, je n’ai plus besoin de ces cours. Néanmoins, j’enseigne les mouvements à mes sœurs et aux autres filles ici. Il y a peu de filles qui sont « Indiennes » dans le carnaval.
Nous chantons tous une chanson en langue indienne.
L’année dernière, j’avais en tout 30 membres dans le groupe. Ils étaient âgés de 8 à 17 ans. Mais cette année, tout était en retard et je n’ai pas eu le temps de m’organiser au sujet des chevaux et de toutes les autres choses. C’est la raison pour laquelle je sors tout seul.
J’ai toujours été impressionné par les Indiens ; leur façon de vivre, leur ardeur au travail : couper le bois, allumer le feu… Je les vois toujours comme des gens braves et courageux. En fait, je me sens comme un Indien. Je sens vraiment qu’il y a quelque chose comme du sang taïno qui coule en moi. C’est un vrai amour ancestral que je porte à ces Indiens. En dépit de l’aspect financier de la chose, je ne peux pas résister, c’est plus fort que moi. Je dois être dans la rue en Indien. Je le ferai jusqu’à ce que je devienne un vieil homme avec une canne à la main – j’aime tellement ça. C’est mon carnaval personnel.
Il y a un ami qui d’habitude aidait ale groupe financièrement, mais il n’est plus là. C’était une aide privée. Je pense par exemple que les banques devraient supporter le carnaval. Mais tous les groupes vont à la banque pour ne recevoir chacun qu’une somme dérisoire. La mairie aussi finance un petit peu le carnaval. Je vais dans les réunions où l’argent est distribué aux groupes. Mais chaque groupe en reçoit très peu.
In « KANAVAL : Vodou, Politics and Revolution on the Streets of Haiti », p.19. Photography
and Oral Histories by Leah Gordon. London: Soul Jazz Publishing, 2010.
Traduit de l’anglais par Wilson Décembre, Ph.D.
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